On estime que 17 % de la population âgée de plus de 65 ans présente déjà un trouble cognitif léger. Si l’âge est le principal facteur de risque, la maladie d’Alzheimer et la démence étant les causes principales, le déclin cognitif ne se limite pas à un groupe démographique spécifique. Des affections telles que les lésions cérébrales, la dépression, les troubles post-traumatiques, la schizophrénie et les accidents vasculaires cérébraux sont toutes connues pour s’accompagner de signes de déficience cognitive. Des recherches récentes sur la relation entre l’hippocampe, la sérotonine et la mémoire ont commencé à faire la lumière sur les raisons de cette situation et pourraient ouvrir la voie à de futures thérapies.
L’hippocampe, la sérotonine et la mémoire
En tant que partie du système limbique – les régions du cerveau associées aux émotions, à l’apprentissage, à la mémoire et à la motivation – l’hippocampe est depuis longtemps impliqué dans notre capacité à apprendre et à stocker des souvenirs. Des recherches publiées précédemment ont démontré que les personnes dont la région CA1 de l’hippocampe était endommagée présentaient une déficience extrême de la mémoire autobiographique et épisodique, ainsi que des difficultés d’apprentissage des lieux. Chez les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer, l’hippocampe est généralement l’une des premières zones du cerveau à montrer des signes de dommages.
La sérotonine (5-hydroxytryptamine ou 5-HT) a une grande influence sur l’hippocampe. De plus en plus de preuves suggèrent que la sérotonine pourrait jouer un rôle essentiel dans l’apprentissage et la formation de la mémoire. Selon des recherches antérieures publiées dans Neuropsychopharmacology, les chercheurs ont constaté que la perturbation de la sérotonine interférait avec le rappel de la mémoire. Dans une étude menée par l’université Johns Hopkins, les chercheurs ont constaté que les personnes souffrant de troubles cognitifs avaient moins de sérotonine et obtenaient de moins bons résultats aux tests de mémoire verbale.
Même si un lien semble apparent, la relation exacte entre l’hippocampe, la sérotonine et la mémoire n’a pas été complètement comprise. Des recherches antérieures n’ont pas permis de déterminer si les effets de la sérotonine sur l’apprentissage et la mémoire étaient dus au rôle de la sérotonine elle-même par rapport à la mémoire ou si elle influençait les aspects comportementaux ou émotionnels susceptibles d’affecter la mémoire. Dans une étude récemment publiée dans la revue Neuron, des chercheurs du Columbia University Irving Medical Center (CUIMC) ont examiné le rôle de la sérotonine dans l’hippocampe dans l’espoir de mieux comprendre ce lien.
La sérotonine est nécessaire à la formation de la mémoire
Afin de mieux comprendre la fonction de la sérotonine dans l’hippocampe et son lien avec la mémoire et l’apprentissage, l’équipe a utilisé une technique appelée optogénétique. L’optogénétique utilise des impulsions lumineuses pour stimuler ou inhiber l’activité neuronale. Les chercheurs ont utilisé cette technique pour activer et désactiver les récepteurs afin d’étudier les différentes voies de la sérotonine dans la région CA1 de l’hippocampe.
Au cours de leur expérience, l’équipe a découvert que lorsque les niveaux de sérotonine augmentaient, la communication neuronale au sein de la région CA1 était renforcée et que, par voie de conséquence, la mémoire spatiale s’en trouvait nettement améliorée. À l’inverse, lorsque la libération de sérotonine était inhibée et que les taux de sérotonine diminuaient, la communication neuronale diminuait et la mémoire spatiale était nettement altérée. L’équipe pense que cela démontre que la sérotonine ne fait pas que renforcer la capacité d’apprentissage et la mémoire, mais qu’elle est en fait un composant nécessaire à la formation de la mémoire.
De nouvelles connaissances sur la sérotonine et la mémoire mettent en évidence un récepteur crucial
Une fois ce lien révélé, les chercheurs ont entrepris de déterminer exactement quelle catégorie spécifique de récepteurs de la sérotonine était impliquée dans l’apprentissage et la mémoire. Selon la chercheuse du CUIMC, Catia Teixeria, Ph.D., “Nous avons d’abord découvert que lorsque la sérotonine est libérée de ses réservoirs endogènes dans l’hippocampe pendant l’apprentissage, la mémoire de l’événement appris est renforcée. Nous avons ensuite pensé qu’en identifiant une implication dominante pour un type de récepteur de la sérotonine, nous pourrions tester des traitements médicamenteux sur les performances de la mémoire. En effet, nous avons constaté que la modulation systémique de la fonction des récepteurs 5-HT4 par des médicaments améliorait la formation de la mémoire.”
Les résultats de l’équipe concernant le récepteur spécifique de la sérotonine 5-HT4 font écho à des recherches antérieures qui ont identifié l’importance de ce récepteur pour la mémoire. Une étude précédente a montré que les récepteurs 5-HT4 influençaient l’apprentissage spatial et la mémorisation chez les rats, et dans une autre étude, les niveaux de récepteurs 5-HT4 étaient des prédicteurs précis des performances aux tests de mémoire chez les participants humains.
Les médicaments pour améliorer le cerveau pourraient un jour devenir une réalité
Cette découverte révolutionnaire pourrait bien ouvrir la voie à de futures solutions pharmacologiques qui pourraient à la fois stimuler la mémoire, améliorer les déficits d’apprentissage et aider à combattre les effets du déclin cognitif qui accompagne l’âge, la maladie d’Alzheimer, la dépression et la schizophrénie. Selon l’auteur principal de l’étude, Mark Ansorge, Ph.D., “Nos données révèlent la puissante influence modulatrice de la sérotonine sur la fonction de l’hippocampe et la formation de la mémoire, et elles soutiennent la logique de cibler les récepteurs 5-HT4 pour la pharmacothérapie des troubles cognitifs.”